1. Introduction
Messieurs Un, Deux et Trois recherchent en toute hâte un prénom
pour leur fils nouveau-né. Manquant d'inspiration, ils décident de
choisir un prénom au hasard. Mais chacun d'eux à une notion toute
personnelle du hasard :
- Monsieur Un, facteur de son état, joue aux fléchettes sur le
calendrier des postes (on est en Juillet).
- Monsieur Deux, grand gourmand, croque une pomme et choisit le
premier prénom qui lui passe par la tête.
- Monsieur Trois, amateur d'exotisme, décide de
choisir le prénom du premier scandinave qu'il verra à la télé.
Plus tard, sur les bancs de l'école, seront assis trois marmots dénommés :
- Fêtenat Un
- Adam Deux
- Larsvon Trois
Cet exemple montre que le choix du mode de tirage est plus
déterminant que le tirage lui même. Ainsi le hasard n'est pas
qu'une question de hasard. Les "probabilistes" sont des
mathématiciens spécialisés dans l'étude des différents modes de
tirages aléatoires. Une partie d'entre eux, s'occupent des
"processus de Lévy" : ce sont des lotos gigantesques, où les
numéros sont remplacés par des "trajectoires". Mais commençons par
le début.
2. Les probabilités discrètes ...
C'est l'étude des propriétés du dé à 6 faces et de ses variantes :
le pile ou face, la distribution des cartes à jouer, les tirages
dans une urne etc... Restons-en aux dés, ils vont permettre
d'expliquer simplement trois notions fondamentales.
2.1 La loi
Lorsque l'on joue aux dés, certains évènements sont plus probable
que d'autres. Par exemple, il est plus facile d'obtenir un chiffre
entre 1 et 4, qu'un chiffre entre 5 et 6 :
- On a quatre chances sur six d'obtenir un chiffre entre 1 et 4.
La probabilité de cette évènement est donc de "quatre-sixièmes"
(4/6) ou bien de "deux-tiers" (2/3).
- On a deux chances sur six d'obtenir 5 ou 6.
La probabilité de cette évènement est donc de "deux-sixième" (2/6)
ou "un-tiers" (1/3).
Etudier la loi d'un phénomène aléatoire, c'est simplement calculer
des probabilités. Voici quelques exercices classiques :
- Quelle est la probabilité de faire 7 en tirant deux dés ? Réponse : (1/6)
- Quelle est la probabilité de faire deux fois le même chiffre en tirant trois dés ? Réponse : (4/9)
2.2 Un évenement "presque-sûre"
Lors d'un phénomène aléatoire, certains événements se produisent à
coup sûr. Voici un exemple idiot : "en lançant un dés, je suis
sûr de tomber sur un chiffre entre 1 et 6". Mais les
mathématiciens sont prudents, ils diront plutôt : "en lançant un
dé, je suis presque-sûr de tomber sur un chiffre entre 1 et 6"
(le presque c'est pour le cas où le dé resterais sur la tranche).
En lançant un seul dé, nous avons vite fait le tour de tous les
événements presque-sûrs. En lançant plusieurs dés, cela devient
intéressant. Voici un exemple pas trop idiot : Choisissons une
séquence de chiffres : "2,6,4,3,3,5,6,2,3". Puis lançons un dé,
une fois, deux fois, trois fois ..., en relevant au fur et à
mesure les numéros qui apparaissent. Figurez-vous qu'au bout d'un
certain temps, la suite de chiffre choisie initialement :
"2,6,4,3,3,5,6,2,3" va apparaître dans l'ordre, sur notre feuiller
de papier. Et pour cela, point besoin d'être un magicien, car
c'est un événement presque-sûr (tentez l'expérience si vous êtes
patient !).
2.3 L'indépendance
Lorsque l'on jette deux dés, simultanément ou l'un après l'autre,
les deux lancés sont toujours indépendants. Cela signifie que le
résultat du premier lancé n'influence pas le résultat du second
lancé. Pour lancer des dés de manière non indépendante, il faut
être un fieffé tricheur. Par exemple, pour sauver la planète,
James Bond doit absolument faire 7 en lançant deux dés. Il lance
le premier, nonchalamment… le dé roule, suspense… Gros plan : il
s'arrête sur le 5. Dans ses manches, au début du film, Q a glisser
tout un attirail de dés pipés. 007 choisit discrètement le dé
étudier pour faire des 2, il le lance et gagne. Le premier lancé à
clairement influencé le deuxième, nous sommes dans une
configuration flagrante de non-indépendance.
Maintenant laissons les probabilités discrètes aux élèves des
terminales, et consacrons-nous aux probabilités continues,
strictement réservées aux adultes du GRO ...
3. Les probabilités continues ...
C'est l'étude de dés qui ont un nombre infini de faces. Ne criez
pas à l'imposture, cela existe ; une boule de pétanque, c'en est
un : il suffit de considérer que chaque point à la surface de la
boule est une face. Pour faire un tirage, il me suffit de pointer
; le point de contact entre le cochonnet et ma boule sera la face
sélectionnée (si vous êtes moins doué que moi, vous pouvez aussi
choisir le point de contact entre la boule et le sol).
3.1 Une trajectoire
Une trajectoire est une fonction (une courbe). On la représente
dans un système de deux axes. L'axe horizontal représente le
temps, l'axe vertical représente une quantité quelconque variant
en fonction du temps, par exemple : Le prix de l'action Moulinex,
la température à Rouen, le volume de SNO2 dégagée par une
voiture sportive, etc. Les trajectoires peuvent effectuer des
sauts (représentés par des pointillés verticaux).
- Il existe des trajectoires simples ...
- Et des trajectoires compliquées ...
Les trajectoires les plus intéressantes sautent incessamment :
chaque bout de trajectoire, aussi petit soit-il, comporte une
infinité de sauts ; mais bien entendu, la grande majorité des
sauts sont très très petits (sinon la trajectoire exploserait).
3.2 Un processus
Un processus est un dé ayant un nombre infini de faces, et sur
chacune d'elle est dessinée une trajectoire ...

NB : Faites attention en lisant la suite de ne pas confondre
"une trajectoire" avec un "processus" : le processus est un dé
qui englobe une infinité de trajectoire.
3.3 Un processus de Levy
C'est un processus qui possède une propriété bien particulière :
chacune de ses trajectoires peut être découpée en n morceaux, et
chaque morceau est lui même un processus de Levy.

Détaillons cela avec n=3 : Appelons X notre processus de Lévy
initial. Il existe un autre processus de Lévy Y (que l'on se
représente par un dé-boule) tel que : Si nous lançons trois fois Y
et si nous recollons les trois trajectoires obtenus, nous
retombons sur une trajectoire de X.
Si vous avez bien suivit, on peut compliquer un peu : puisque Y
est lui même un processus de Levy, je peux trouver Z, tel qu'en
lançant trois fois Z, je retombe sur Y. Du coup, en lançant 9 fois
Z, je retombe sur X. Et cela peut continuer ainsi jusqu'à ce que
mort s'en suive (Les Lévy sont ïnfiniment divisibles").
Ainsi chaque trajectoire d'un processus de Lévy est le résultat
d'un très grand nombre de tirages aléatoires. Ceci explique
pourquoi ces trajectoires sont souvent chaotiques. Mais attention,
il existes des tas de processus de Lévy différents. Rien qu'en
regardant l'aspect général de leur trajectoires, on peut déjà
distinguer 2 sortes de processus de Levy :
- Les Lévy à variation finie. Ils sont simples car chacune de
leurs trajectoires est la somme d'une trajectoire croissante, et
d'une trajectoire décroissante.
- Les Lévy à variation infinie : Par définitions, ce sont ceux qui
ne sont pas à variation finie ! Ils sont très compliqués et très
intéressants : leurs trajectoires sont horriblement fluctuantes.
Les processus de Lévy possèdent bien d'autres particularités qui
permettent de les distinguer. Dans cette thèse, nous avons étudié
spécifiquement : La reptation et le relief. Ce sont des propriétés
presque-sûres : elles sont visibles sur toutes les trajectoires à
l'exception d'un très petit nombre que l'on qualifie de
négligeable (tout comme est négligeable la probabilité qu'un dé
reste sur la tranche).
4. La Reptation
Fixons nous une altitude a. Au bout d'un certain temps, les
trajectoire d'un Lévy vont dépasse cette altitude. Il existe deux
manières de franchir a :

On distingue ainsi deux sortes de Processus de Lévy :
- Les Lévy qui ne rampent pas vers le haut : (presque)-toutes
leurs trajectoires vont dépasser a en sautant.
- Les Lévy qui rampent vers le haut : certaines de leurs
trajectoires vont dépasser a en sautant et d'autres continûment.
Remarque : Il est assez difficile d'imaginer un Lévy qui ne
rampe pas vers le haut car, non seulement ses trajectoires vont
dépasser l'altitude a en sautant, mais elles vont aussi dépasser
toutes les altitudes en sautant. Pour imaginez un tel phénomène,
il faut penser à une trajectoire qui fait une infinité de petits
sauts positifs. Mais on peut aussi se résigner au fait que la
réalité mathématique est rarement représentable graphiquement.
5. Le Relief
c'est la forme des maximums (ou sommets) des trajectoires. Dans la
famille des processus de Lévy à variation infini (les plus
compliqué), nous avons distingué deux sous-classes de processus de
Lévy :
- Les Abrupts : Leurs trajectoires ont des sommets extrêmement pointu.
- Les Erodés : Leurs trajectoires ont des sommets relativement plat.
5.1 Les processus stables
Ce sont des processus de Lévy particuliers. Ils possèdent la
propriété suivante : si je zoome sur une partir de leur
trajectoire, cette partie aura la même allure que la trajectoire
entière. Ces objets sont des "fractales statistiques". Mais
attention, contrairement aux "fractales déterministes", en zoomant
on ne retombe pas exactement sur le même dessin. On obtient
seulement un dessin ayant vaguement la même "allure".
Mathématiquement cela signifie que toutes les propriétés en loi
sont les mêmes c.à.d que les probabilités calculées avec le
processus initial sont identiques que les probabilités calculées
après avoir zoomé. Les processus stables sont relativement bien
connus, on peut les simuler facilement.
5.2 Le Mouvement Brownien
C'est le plus célèbre des processus de Lévy. Non seulement c'est un
processus stable, mais en plus il est continu (il ne fait aucun
saut), ce qui ne l'empêche pas d'être complexe (il est à variation
infinie).

Y'en a marre des maths ! Maintenant nous allons parler physique.
L'étude des processus de Lévy a débutée par l'étude du mouvement
brownien, qui elle même a été motivée par la découverte d'un
Physicien ...
6. Conclusion
La famille des processus de Lévy est si riche et ses propriétés si
variées que son étude peut s'avérer aussi fascinante que celle des
objets célestes. Malheureusement cette fascination est réservée à
un public plus restreint. Il manque à cette discipline quelques
belles photos, un Hubert Rive et peut-être aussi un brin de
Métaphysique. Mais qui sait ? Peut-être un jour découvrirons-nous
que le cour de la vie est une trajectoire de Lévy.
7. Annexes
7.1 Mr Brown
Au début du XIXe siècle, dans un sombre laboratoire de physique,
le chercheur Brown découvrit un phénomène bizarre. Observant un
verre d'eau avec un bon microscope, il y vit des petits
zigouigouis qui s'agitaient dans tous les sens ; difficiles à
décrire : c'était des sortes de lignes tarabiscotées, des
serpentins frénétiques qui avançaient en s'emmêlant sans aucune
logique ; il cru tout naturellement avoir détecter la trace de
bestiole vivant dans l'eau. Il zooma pour essayer de voir leur
tête, mais dans sa lentille apparaissait toujours le même schéma.
Notre infortuné chercheur eut beau pousser son microscope au
maximum de sa résolution, rien à faire, toujours les mêmes
zigouigouis. Il fit alors bouillir sont eau pour tuer ce qu'il
pensait être des bactéries, mais cela ne changea rien. Ne se
démontant pas, il congela son eau, y injecta du cyanure, du bleu
de méthylène, de la mort au rat et de la vodka, mais rien y fit,
les bestioles subsistaient toujours. Il s'aperçut tout de même que
plus l'eau était froide et moins vite les zigouigouis s'agitaient.
L'explication : un siècle plus tard, Einstein en personne
! élucida ce mystère : Loin d'être la trace d'une vie quelconque,
le mouvement brownien est simplement la trace de poussières
microscopiques qui sont en permanence heurtées par des molécules
d'eau. Ces poussières sont vraiment très petites, ce qui explique
que Brown n'ai pu les observer (avec les moyens de son époque)
mais, comparées à la taille des molécules, elles sont suffisamment
grosses pour être sans arrêt choquées, ce qui provoque un
mouvement complètement désordonné, sans aucune ligne droite.
Quelque soit la résolution employé, Brown n'a observé que des
mouvements moyens et quelque soit l'échelle ces mouvements moyens
ont globalement le même aspect de lignes tarabiscotées. Quand
l'eau refroidie, les molécules H2O se calment et par
conséquent les poussières son moins secouées.
7.2 Einstein
Par l'un de ses raccourcis étonnant dont est capable le cerveau
d'un géni, Einstein réussit à estimer précisément la concentration
des molécules d'eau, en simplement observant le désormais célèbre
mouvement brownien.
La modélisation
A tout phénomène physique, on peut associer un modèle : c.à.d. un
objet mathématique abstrait qui ressemble au phénomène. Ainsi, au
mouvement brownien observé, Einstein associa le Mouvement brownien
théorique : un processus qui répond aux trois axiomes suivants :
Axiome 1. Accroissement indépendant : (un accroissement est
un bout de trajectoire). Cet axiome signifie que les bouts de
trajectoires sont indépendants les uns des autres. Ceci correspond
bien à la réalité physique : La masse de la poussière étant très
faible, elle a très peu d'inertie, de plus elle reçoit des chocs
incessants, nous pouvons donc considérer qu'à chaque instant, la
poussière se meut sans être influencée par son mouvement
antérieur.
Axiome 2. Accroissement stationnaire : le mouvement de la
poussière a le même aspect au court du temps. Ceci est logique
puisque les conditions de l'expérience ne varient pas. Cet axiome
serait mis en défaut si, par exemple, on s'amusait à chauffer
l'eau au fur et à mesure de l'expérience.
Axiome 3. Continuité : La continuité est l'absence de saut.
Sauter, c'est disparaître à un endroit et réapparaître
instantanément à un autre endroit. Une poussière étant un corps
solide ordinaire, elle ne saute pas. En fait, dans la nature,
seules quelques particules élémentaires peuvent réellement sauter.
A l'inverse, les objets mathématiques abstraits peuvent sauter
sans restrictions aucunes. Cet axiome est donc indispensable si
l'on veut bien modéliser la poussière.
Le Brownien est un Levy
Un processus de Lévy est simplement un processus qui vérifie les
axiomes 1 et 2 mais pas forcément l'axiome 3. Quel est donc le
lien entre les dés-boules du début et les axiomes 1 et 2 ?
Rappelez-vous que chaque trajectoire d'un processus de Lévy
peut-être fabriquée en lançant plusieurs fois le même dé-boule. On
ne triche pas : le premier lancé n'influe pas sur le deuxième, ni
sur les suivants ; les accroissements sont donc bien
"indépendants". De plus, puisqu'on lance plusieurs fois le même
dé-boule, les accroissements sont bien "stationnaires".
La recherche avance
Le mouvement brownien est devenu l'objet fétiche de nombreux
probabilistes, physiciens et analystes : il est présent dans les
modélisations physiques mettant en jeu des particules, il sert
aussi à calculer des équations différentielles complexes. Ses
propriétés sont si nombreuses qu'il ne se passe pas un jour sans
qu'un article à son sujet ne soit publié. Les processus de Lévy,
qui en sont la généralisation, sont eux aussi très à la mode ;
mais ils sont plus complexe, et nous les connaissons moins bien.